par Mbom Sixtus

La nuit est tombée depuis longtemps sur le tranquille quartier d’Obili, caché dans les ruelles de Yaoundé, la capitale camerounaise. Malgré l’heure avancée, un groupe de jeunes n’ont pas sommeil. Face à leur écran d’ordinateur, ils s’aventurent sur un chemin jamais exploré auparavant dans leur pays.

? Nous sommes l’industrie des jeux vidéo du Cameroun et nous voulons être plus qu’un simple studio de jeux. Nous voulons être un p?le de divertissement dans la sous-région d’Afrique centrale ?, a aきrmé àCHINAFRIQUEDominique Yakan Brand,

Malgré un certain nombre de défis, l’industrie africaine des jeux vidéo dispose d’un énorme potentiel de croissance l’un des responsables de cette équipe de 23 jeunes.

M. Brand a cofondé avec Olivier Madiba la startup Kiro’o Games. Ensemble, ils ont lancé leur premier jeuAurion : L’Héritage des Kori-Odanen 2016. à date, le jeu a fait plus de 100 000 adeptes à travers le monde. Le jeu se base sur la mythologie africaine et combine les cultures de 14 pays africains, dont le Cameroun, le Kenya, le Nigeria, le Mali, l’égypte et le Niger.

? Il s’agit d’une sorte d’univers dans lequel les cultures africaines auraient pu évoluer sans le colonialisme et s’orienter vers l’artisanat plut?t que vers l’industrialisation. à cela, nous ajoutons de la magie ?, a expliqué M. Brand.

Un développement autonome

L’histoire du jeu raconte l’histoire de deux héros - un prince et une princesse de Zama. Après leur mariage, le frère du prince organise un coup d’état et force le couple de jeunes mariés à fuir la ville. Leur exil forcé leur permet de découvrir un monde qu’ils n’ont jamais connu, car la ville de Zama est petite et isolée des problèmes du monde d’Aurion. Ils sont obligés de commencer une nouvelle vie tout en portant un héritage qui n’est pas physique, mais plut?t idéologique - l’importance d’être un Kori-Odan (nom de leur ancêtre) dans ce nouveau monde. Cela inclut une réflexion sur le fait d’être roi et la signification du mariage.

Dans l’industrie du divertissement audio-visuel, les jeux-vidéo ont la part du lion, générant des revenus supérieurs à l’industrie du cinéma et de la musique.

Lancer le premier studio de jeux vidéo d’Afrique centrale n’a pas été une tache facile, selon M. Brand. Le Cameroun n’a pas d’accords permettant aux startups de jeux vidéo de commercialiser leurs produits de fa?on indépendante. Elles ont d? trouver un éditeur en France, appeléPlugin Digital, pour accéder au populaire portail de jeux en ligne Steam.

? Nous avons d? collecter les fonds nous-mêmes, alors nous avons lancé une campagne de financement social sur Kickstarter ?, a expliqué M. Brand. Au départ, les Camerounais avaient peu confiance en ce genre de startups, les gens préférant investir dans l’agriculture et l’élevage.

? [Notre succès signifie que] même le gouvernement encourage maintenant notre projet. Le fait que nous ayons recueilli 500 000 dollars en un mois au cours de notre dernière campagne de financement d’un million de dollars est une indication que nous avons gagné la confiance et l’attention des gens ?, a-t-il avancé.

Pour jouer àAurion, cependant, il faut des ordinateurs et des consoles de jeu, ce que beaucoup de Camerounais n’ont pas. C’est pour cette raison que la plupart des joueurs vivent à l’extérieur du pays. Kiro’o prévoit de lancer un jeu disponible sur smartphones l’année prochaine pour capitaliser sur les millions de Camerounais qui utilisent ce type d’appareils.

Une industrie en croissance

Alors que l’Afrique centrale cherche encore ses repères dans l’industrie des jeux, celle-ci est en plein essor dans d’autres régions, notamment en Afrique de l’Est. Une recherche réalisée en 2018 par PricewaterhouseCoopers évalue à 63 millions de dollars la valeur de l’industrie kényane des jeux vidéo, ce qui la place parmi les 10 premières industries en Afrique. On prévoit qu’elle atteindra une valeur de 118 millions de dollars en 2022.

Il convient de noter que l’Afrique du Nord vient au premier rang en termes des revenus générés par cette industrie. L’égypte est le premier marché des jeux vidéo en Afrique, générant 293 millions de dollars en 2018. Le Maroc est troisième, générant 129 millions de dollars l’an dernier, tandis que l’Afrique du Sud est également parmi les plus importants pays dans ce domaine.

Nous sommes l’industrie des jeux vidéo du Cameroun et nous voulons être plus qu’un simple studio de jeux. Nous voulons être un p?le de divertissement dans la sous-région d’Afrique centrale.

DOMINIQUE YAKAN BRAND,co-fondateur de Kiro’o Games

Nathan Masyuko, cofondateur de Ludique Works Ltd., une des plus grandes entreprises de jeux du continent basée à Nairobi, aきrme que ces statistiques racontent seulement une partie de l’histoire. ? Beaucoup de joueurs jouent en ligne, mais comme les serveurs auxquels ils se connectent sont basés en Amérique du Nord, en Europe ou en Afrique du Sud, il devient diきcile d’obtenir des données précises sur le nombre réel de joueurs en ligne et sur les revenus générés par ces derniers ?, a-t-il expliqué.

M. Masyuko dit que la lenteur des connexions Internet entrave aussi le développement de l’industrie. Selon lui, le taux de pénétration des connexions de l’Internet à domicile est relativement faible au Kenya, de sorte que les jeux con?us pour ordinateurs et consoles ne sont pas aussi populaires que les jeux disponibles sur portables.

Une source de revenus

Selon M. Masyuko, l’environnement actuel rend difficiles la commercialisation et la monétisation des jeux. Cela a incité Ludique Works à développer une plateforme pour soutenir l’industrie des jeux vidéo du continent, en fournissant des services de commercialisation des jeux qui aideront d’autres studios de développement en pleine croissance au Kenya et en Afrique à commercialiser et monétiser leurs jeux, ainsi qu’à recueillir des capitaux.

? Nous nous concentrons sur la communauté des développeurs de jeux vidéo et nous comptons actuellement plus de 500 membres issus d’horizons professionnels divers, tels que des programmeurs, des animateurs et des juristes spécialisés en propriété intellectuelle ?, a expliqué M. Masyuko, ajoutant que l’objectif était de faire de cette industrie un choix de carrière viable pour les futurs jeunes développeurs. ? L’industrie a un énorme potentiel de création d’emplois ?, a-t-il ajouté.

Actuellement, les revenus générés par l’industrie mondiale des jeux vidéo sont plus importants que ceux des industries du cinéma et de la musique réunies, selon M. Masyuko, qui estime que l’Afrique peut reproduire le succès mondial de l’industrie si les développeurs africains se concentrent sur les aspects économiques de l’industrie.

L’Afrique doit poursuivre le développement de ses infrastructures afin d’accro?tre l’accès à la fibre optique et aux réseaux des télécommunications afin de faire baisser les frais d’Internet. Cela accélérera certainement le processus qui permettra à l’Afrique de devenir un leader mondial dans l’industrie des jeux, disent les experts.

Daniel Macharia, fondateur de Mashariki Mobility au Kenya, a développé trois jeux vidéo au cours des quatre dernières années. L’un d’entre eux,Wana Savana-Tamasha, est le premier jeu à mettre en vedette une héro?ne africaine comme personnage principal.

? Le potentiel de l’industrie des jeux est énorme en Afrique. Si elle était capable de prendre de l’ampleur, comme elle l’a fait sur les autres continents, des emplois seraient créés dans des domaines aussi variés que la production de musique et d’eあets spéciaux, l’écriture de scénarios, l’assurance qualité et bien s?r le développement de logiciels ?, a expliqué M. Macharia. CA

* Reportage du Cameroun

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